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* Ossessione : Le commencement


Ossessione / Les amants diaboliques

Réalisateur : Luchino Visconti
Scénario : Luchino Visconti
Année de parution :1943
Principaux acteurs : Massimo Ginotti, Clara Calamai,
Elio Marcuzzo
NOIR ET BLANC 112 Minutes


Premier film de Luchino Visconti, il reprend le thème
célèbre au cinéma d’un roman de James Cain : « le Facteur Sonne Toujours Deux Fois ». Le film nous raconte l’histoire d’une femme et de son amant qui s’entendent pour éliminer le mari de cette dernière.
Ce film fut considéré comme l’acte de naissance du néoréalisme italien (bien que l’origine du mouvement lui soit contestée par le film, pourtant postérieur, Allemagne Année Zéro).

D’ailleurs, la légende dit que c’est en visionnant les rushes du tournage qu’un des monteurs inventa le terme « néoréalisme ».
Tourné en pleine période fasciste, il subit les affres de la censure et souleva à l’époque un énorme tollé.
En effet, c’est la première fois que l’on montrait à l’écran la dure réalité des pauvres en Italie. Ce film fut interdit dans de nombreuses salles et ce n’est qu’après la guerre que l’on pu redécouvrir ce film qui est considéré comme l’un des plus important de l’histoire du cinéma.
De plus, il laisse déjà apercevoir tout le talent du jeune Visconti.

Les critiques parues :

Le 14/01/1959 : L’Humanité par François Maurin
Le 15/10/1959 : Le Figaro par P. Ms
Le 18/08/1982 : Le Canard Enchaîné par Jean-Paul Grousset


L’Humanité le 14/1/1959

Naissance d’un grand cinéaste : Visconti
On éprouve toujours un pincement de cœur à la redécouverte d’un
chef d’œuvre. « Ossessione », le premier film de Luchino Visconti, tourné en 1942 en pleine Italie fasciste, est de ces films qui procurent ce genre de réaction-là. Par la fenêtre qu’il ouvre sur son époque, aussi bien que sur la personnalité d’un auteur appelé à devenir l’un des plus grand qui, pour son coup d’essai, se permit de hisser une banale histoire psychologico-policière au rang d’une véritable tragédie.
Chacun sait qu’il s’agit d’un roman de James Cain, « Le facteur sonne toujours deux fois », paru à la veille de la guerre, dont on connaît déjà trois autres adaptations. Du « Dernier Tournant » de Pierre Chenal en 1939, à celle de Bob Rafelson, la dernière en date (après celle de Tay Garnett) présentée en France l’année passée.

C’est Jean Renoir qui avait fait cadeau du sujet à Visconti, peu avant le retour de ce dernier en Italie, au terme de leur collaboration. « Prends cela, lis le, peut-être que ça t’intéressera », lui avait-il dit.
« Ce fut précisément mon séjour en France et l’approche d’un homme comme Renoir qui m’ouvrirent les yeux sur beaucoup de choses, déclara plus tard Visconti. Cela me fit comprendre que le cinéma pouvait être le moyen de s’approcher de certaines vérités, dont nous étions très loin, surtout en Italie. »
En effet. Si les premières fissures qui allaient conduire, en s’élargissant, à l’effondrement du fascisme, commençaient à se faire jour, le cinéma italien, avait que très peu varié. On en était toujours au « téléphones blancs », aux aventures, sentimentales et autres, sans rapport aucun avec la réalité concrète de la vie. Tout se passait dans les films à l’intérieur d’un monde idyllique, dénué de contradictions, loin des soucis quotidiens.
Dans ce calme plat, « Ossessione » produisit l’effet d’un coup de tonnerre. Car non seulement on y voyait apparaître un couple d’amants meurtriers du mari (ce qui ne pouvait que choquer la censure religieuse) mais, chose plus grave encore, on y découvrit le vrai visage de la misère et de la médiocrité,
du chômage, de l’appât de l’argent, en un mot la critique la plus radicale qui soit de l’idéologie du régime.

Visconti dû faire face à une levée de boucliers, aidé en cela par un groupe de jeunes critiques réunis autour de la revue « Cinéma », dont le travail, se réclamant, de façon voilée, du « vérisme » de Verga (le romancier italien le plus important du siècle dernier), avait créé les conditions de la réalisation du film. Une très grande œuvre était née, qui ouvrait toute grande la perspective à ce que devait être, la Libération venue, le néoréalisme, l’école cinématographique la plus fertile d’après-guerre. Il faut revoir, aujourd’hui, « Ossessione ».


Le Figaro le 15/10/1959

 « Les amants diaboliques » Ce film de Luchino Visconti tourné en 1942, suit à quelques détails
près (et parfois avec d’assez importantes variantes) la ligne générale du roman de James Mac Cain, « Le Facteur sonne toujours deux fois ». On a vu jadis sur le même thème un film américain, et ce n’est pas le moindre mérite de l’œuvre de Visconti que de nous faire comparer le style de deux écoles du cinéma à propos d’un scénario sensiblement identique.
Ici, c’est le réalisme illustré par les metteurs en scène d’au-delà des Alpes. Un réalisme qui rejoint même ces premiers films où le cinéma italien donnait de la vie populaire une image fidèle. Les ruelles de Ferrare, les enfants traînant le long des murs, les ménagères bavardant. On dirait un reportage tourné par un chasseur d’actualités filmées. La reconstitution de l’accident-crime, les beuveries villageoises, le dimanche avec les accordéons, tout cela traduit le misérabilisme du « fait divers ».
Défauts. De graves longueurs et une interprétation trop appuyée de Clara Calamaï.
P. Ms

François Maurin


Le Canard Enchaîné n°3225 le 18/08/1982

La bride sur le couple
La femme et l’amant suppriment le mari en fabriquant un faux accident d’auto. Ils échappent à la justice mais ils sont ensuite victimes d’un vrai accident d’auto.
On a reconnu le thème du roman de James Cain « Le facteur sonne toujours deux fois ».Thème illustré par plusieurs cinéastes : Pierre Chenal en 1939, Tay Garnett en 1946, Bob Rafelson en 1981.
Avec « Ossessione », Luchino Visconti s’en inspirant, lui aussi, en 1942. Mussolini se souciant du peuple comme de sa première chemise noire, c’était l’époque où triomphaient, sur les écrans italiens, des comédies bourgeoisement lénifiantes.
Luchino Visconti situa son film dans les milieux populaires de la vallée du Pô. Et, tout en suivant librement la trame du livre, il évoqua une dure réalité comme le chômage et la misère.
Scandale dans l’Italie fasciste. Le spectacle ne fut autorisé que mutilé. Censure d’autant plus qu’absurde qu’ « Ossessione » rétablit, depuis lors, dans son intégralité- marquait la naissance du néo-réalisme italien.
La plupart des manuels spécialisés ont relaté ces avatars. Ce qu’on peut ajouter, c’est que, quarante ans après le tournage, le film de Luchino Visconti, fiévreusement joué par Massimo Girotti et Clara Calamai, reste une œuvre singulière et prenante. Les programmes d’été comportant quelques trous, voilà une bonne reprise.

Jean-Paul Grousset